Si on m’avait di qu’un jour j’allais rentrer vivre chez mes parents, à presque 35 ans, je ne sais pas si je l’aurais pris comme un échec cuisant ou une énorme libération de faire un break de la vie citadine après toutes ces années.
Quoiqu’il arrive, ce “rêve/hantise” s’est réalisé quand je me suis retrouvée chez mes parents en Mars 2020 au début de la pandémie. Outre le choc de la situation, et une fois la pilule de ce contexte rocambolesque un peu digérée, j’y ai évidemment, vu une opportunité d’en profiter.
Comme beaucoup, me voilà donc de retour dans le nid familial depuis plus de deux mois. Ce qui signifie donc retour chez mes parents d’une part, mais aussi en France après 8 ans à l’étranger, en ayant conservé mon boulot londonien.
2 salles, 2 ambiances.
Un contexte assez unique, chanceux, et qui donne aussi lieu à de nombreuses situations assez cocasses du style: “A Taaaable” quand tu es en pleine réunion avec le boulot, car il n’est que 11h30 au UK, ou alors “T’as passé l’aspirateur dans ta chambre?”. (Spoiler: Non, je n’ai pas (encore), eu droit à “Ranges ta chambre!”, mais ce n’est pas terminé…)
Ma vie s’est donc ajustée en tous points. Même les plus improbables.
Logement
- Déjà, j’ai troqué ma petite chambre londonienne trop mignonne et hors de prix pour ma grande chambre d’enfant, gratuite. (Mais je paye toujours celle que je n’occupe pas. Logique.)
- Mes décorations murales sont passées de belles photos de paysages ou autre décors un peu “cool” à des photos de moi quand j’avais 5 ans en justaucorps de gym. Et encore, j’ai de la chance, on a refait entièrement ma chambre il y a quelques années. J’ai évité le papier peint imprimés tulipes qui ornait mes murs depuis mon adolescence. (Et non, les tulipes ça aurait pu être mignon, mais ça ne l’était pas).
- Mon bureau trop sympa dans un grand Wework (Des espaces de coworking anglo-saxons) super design est devenu la chambre de mon frère. Autrement appelé “débarras”. J’ai trouvé un mur blanc et orienté la caméra de l’ordi du boulot de sorte à rester neutre pendant les appels journaliers avec mes collègues. Encore une fois, j’ai de la chance, j’ai échappé à ses anciens posters de basket ou autres affiches de guerre.
Le “commute” (transport) au boulot
- J’ai troqué le café du matin à emporter que j’aimais bien acheter dans mon petit coffee shop local en allant prendre le métro par le café maison dans le jardin, au champ des oiseaux.
- La marche hebdomadaire pour rejoindre le métro quant à elle est compensé par, 3 petits escaliers qui séparent ma chambre de celle de mon frère. La montre connectée sonne toutes les heures “Il vous reste 250 pas”. Oui, je sais.
- La durée de transport est passée d’environ une petite heure “quand tout va bien” à… une minute. (Même quand ça va mal).
- Au début, je culpabilisais tellement de ne plus marcher le matin que je faisais un petit tour de marche dans notre chemin local. Désormais, je fais un peu plus de yoga. Ou je dors plus Du coup je ne suis presque plus jamais fatiguée la semaine. (Pourquoi on se tape des heures de métro tous les jours déjà?)
Travailler en visio
- Par contre, je ne suis plus jamais en retard au bureau. Je suis même la première dispo. Merci l’heure d’avance.
- En revanche, à 19h, j’y suis souvent encore. Il n’est que 18h au UK. Et l’excuse de devoir aller faire du vélo au bord du lac local ou juste bronzer car il fait encore 26 degrés dans le sud mi-Mai après 18h ne fonctionne pas.
- Parfois, pendant un “call”, pour peu que j’ose m’installer dans une pièce commune pour changer un peu, il y a ceux qui passent par là où je suis et croient bon de taper la discute, comme si de rien n’était. “Mais de toutes façons “en “digital”, vous ne créez rien si? !”
- Et “ceux” (ma mère) qui ouvrent la porte en toute discrétion et avec un air grave comme si j’étais en conversation sur un sujet délicat avec le FBI. “Pardon, pardon je peux passer ?” (Trop mignon, même si en général je prétends garder mon sérieux et essaye de ne pas rigoler…)
- J’ai bien essayé d’en profiter pour expliquer ce que je faisais, mais les graph et tableaux Excel affichés sur l’écran de l’ordi n’ont rien arrangé semble-t-il. Donc j’ai officiellement lâché l’affaire. Je mise tout sur le yoga. Mais là, je passe de la capitaliste sans coeur à la hippie sans raison… Pas gagné.
Les repas
- Côté repas, il faut manger à heures précises. Tous les jours. Et tous les repas. Le “A TAAAABLE“, gronde parfois de façon plus intense que d’autres.
- Les repas sont bien évidemment en mode entrée / plat (en sauce) / dessert / salade / fromage. Bienvenue en France. Et je me prends un regard inquiet quand je ne mange que le plat. Et un peu de salade.
- J’ai osé critiqué la cuisine Française trop “riche” pour retrouver ma routine de semaine et mes plats… “vvvvVEGAN”. Ouch. J’ai sorti le mot. A Londres c’est “tendance”. Dans une maison de campagne du Sud Ouest il n’y a pas plus grande offense.
- Les débats sur les quantités de viande consommée ne se comptent plus. (“Oui mais ici c’est tout local“. OK). Mais de temps en temps je découvre de nouveaux magazines de recettes végétariennes cachés derrière des piles de livres de cuisine…
- Les petits dej “eggs and avocados toasts” des week-ends sont remplacés par de la brioche maison. Ou des “café / chocolatine” – Oui, on dit chocolatine chez moi – achetés directement à la boulangerie. C’est sur, ça change des croissants mous de mon COOP local..
- La cuisine a un nombre d’ustensiles et de gadgets incroyables. La moitié dont j’ignorais l’existence, ou n’aurais jamais pensé à utiliser, mais dont je ne pourrai probablement plus me passer après.
La vie en famille
- A la maison, je suis devenue la spécialiste de l’internet et de tout ce qui touche à la “technologie” et aux “ordinateurs”. Même insérer une photo en PJ dans un email, chose qui pourtant me parvenait sans problème quand j’étais à plus de 1000 km d’ici, il n’y a pas si longtemps est une tâche devenue trop complexe. Dans ces “projets techniques”, on inclue aussi les changements de forfaits téléphonique ou réglage des GPS.
- Niveau shopping, étant venue ici sans affaire, OUI, je me suis jetée sur les magasins (Vides, dans ma campagne) au déconfinement. Depuis, je me prends une remarque quand j’achète un pull à 100 balles. Ou n’importe quoi qui parait hors de prix. (Et puis après, je découvre qu’ils ont été essayés…)
- Donc je fais du shopping en cachette. Comme quand j’avais 15 ans. Sauf que même si désormais c’est mon argent, je me sens toujours un peu coupable…
- Mon linge est parfois miraculeusement repassé et parfaitement plié. A chaque fois, je me demande si je serai comme ça un jour…
- Pour me déplacer, je dois demander la permission d’utiliser la voiture avant d’aller rejoindre mes amis à Toulouse, la “grande ville” la plus proche. Et je me rends aussi compte que l’Oyster card n’est pas si chère comparé à des pleins d’essence réguliers
La vie en France
- J’ai retrouvé plein de vocabulaire Français. Notamment tous les termes de pandémie. Au UK les mots à la mode semblent être “Furlough“, “Lockdown” et “Social Distancing“. Chez moi on parle de “Distanciation sociale“, “Confinement” ou “Chômage Partiel“.
- D’ailleurs le dernier m’a rappelé à quel point nous sommes bien lotis en France.
- Et à quel point on ne s’en rend pas compte et sommes tellement occupés à porter toute notre attention sur ce qui ne va pas.
- Les premières semaines de confinement, je me suis perdue dans notre Leclerc local. Dans un supermarché Français de province, tu n’as surtout pas envie d’oublier le liquide vaisselle quand tu as atteints le rayon Fromage. On se demande si il ne vaut mieux pas revenir la prochaine fois tellement ça prend du temps de se refaire toute l’allée. On se demande aussi pourquoi on a tant de choix de pates, sauces, soupes, boissons, crèmes… Tout. Ok, sauf de Fromage.
- Pendant le confinement, les boulangeries sont restées ouvertes. Même si je n’en ai pas profité, j’ai adoré constater ce symbole Français si fort.
- Tout comme le boycott d’Amazon France pendant le confinement pour soutenir les employés. Ça a choqué les géants Anglo-Saxon. C’est vrai qu’on râle beaucoup, mais j’ai aussi retrouvé le plaisir d’être dans un pays qui ne fait pas que parler ou s’excuser poliment, (Tu la sens la pique d’ironie qui vise l’autre côté de la manche?) et met en place ses idées.
- Mi Mai dans le sud, il fait 28 degrés. En fait, le mois de Mai dans le sud, c’est le mois de Juillet à Londres. Même si certaines semaines sont un peu maussades. Retrouver le bonheur d’une lumière si intense, d’un ciel bleu si vif et de la douceur de tôt le matin à tard le soir sans le vent du nord qui pique… Ça fait forcément un peu réfléchir.
La vie à la campagne
- Les sonneries horripilantes des ambulances londoniennes ont été remplacées par le bruit des tracteurs. Je n’ai pas d’avis sur celui qui fait le bruit le plus relou.
- J’ai troqué les verres après le bureau avec les copines ou cours de sport dans des salles modernes et stylées par la cueillette des fruits et légumes et du yoga dans le jardin au son des grillons.
- Et pour m’endormir, je ne dois plus faire abstraction des voies ou bruits de la ville, mais me laisse porter par celui des grenouilles.
- Le ciel est souvent clair et plein d’étoiles qui scintillent de mille feux. Il en ferait presque peur. Ou il fait peur de réaliser qu’on voit souvent quasi rien dans des grandes capitales…
La vie sociale
- Ma vie sociale est passé d’amis qui font office de famille dans une vie d’expat, à des soirées essentiellement en famille, chez mes cousins et amis Toulousains de très longue date. Les gens qui savent. Ceux avec qui il ne sert à rien de commencer à parler Franglais ou oser se prendre pour une citadine rodée qui critique la campagne…
- Mes copines londoniennes et parisiennes sont quasi toutes devenues virtuelles. C’est marrant au début, mais après plusieurs mois, c’est un peu triste. J’ai envie d’aller leur faire un câlin à toutes. Le digital c’est bien 5 minutes mais ça ne remplace l’humain.
La vie en suspend…
Tous les jours, je pratique l’instant présent. A ne pas trop savoir quand ni comment ça se terminera. Ce que ça amènera. Je profite de cette parenthèse unique en faisant en sorte qu’elle restera un beau souvenir quand on regardera tout cela avec du recul dans quelques années. Je profite de ces moments en famille, à observer mes parents dans leur vie de retraités, en essayant de ne rien rater et de m’imprégner de petits moments de leurs quotidiens. On se redécouvre un peu. Je savoure nos conversations sur la vie autour d’un café. Je me réjouis tous les jours de les voir en bonne santé et rassurés que l’on soit ensemble. Je prépare mon après. J’attends de sentir quand sera le bon moment de rentrer à Londres et retrouver ma petite vie de londonienne…