Première semaine de confinement. Vendredi dernier, je suis rentrée en France pour les 18 ans de ma filleule. J’ai la chance d’être marraine, d’avoir une filleule aussi sympa et bien dans sa peau. Et elle a deja 18 ans. Impossible de ne pas rentrer le célébrer. Evidemment, il y a quelques mois, quand j’ai réservé mes billets, l’idée était à la fête, et l’occasion d’un week-end prolongé dans le sud, où il commence à faire bien meilleur qu’à Londres mi Mars.
Entre temps, les choses ont changé. Avec le recul, je me demande comment nous avons tous pu laisser venir ce truc qui frappait si fort depuis des mois. Le nombre de fois où on a entendu ou vu sur les réseaux sociaux qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Et pendant ce temps, l’ennemie s’approchait. Ça en dit tellement long sur notre capacité à se voiler la face. Ou à être figé par la peur. Un sujet pour plus tard.
La semaine d’avant, à Londres.
La semaine a démarré de façon relativement sereine à Londres. Il faisait beau, les métros étaient moins remplis, et je partais plus tôt pour marcher en partie au bureau, histoire de cumuler quelques pas et éviter un peu les métros. Le printemps commençait à montrer ses premiers signes, et la ville devenait vraiment belle. Comme la belle partie de Londres en Mars tout simplement. Je suis dans un gros espace de co-working. Alors lundi matin, quand j’ai réalisé mi-matinée que les deux plus grosses boîtes de l’étage n’étaient pas là, j’ai eu un petit coup de froid. Assez étrange. L’espace commun normalement rempli de monde, bruyant et vibrant, si calme pour un lundi. Pas de queue au café. C’est drôle, le nombre de fois où l’on rêve que ce soit plus calme. Voilà le résultat. Mais on choisit de voir le positif: Plus calme, donc moins de risque. On a continué le reste de la semaine, un peu comme si de rien n’était, en faisant attention à ne rien toucher, et en se lavant bien les mains toutes les 5 minutes. Chaque jour, le nombre de gens diminuait, au bureau, dans les métro. Pas dans les cours de yoga ou salle de sport en revanche.
A Londres, je vis dans une grande maison avec plusieurs colocs, dont une infirmière. Son mec est docteur. En rentrant lundi soir, ils étaient un peu stressés de la façon dont tout allait se passer. La pression sur les services médicaux, et surtout, la gestion de tous les autres cas quand l’afflue de gens deviendrait important. Deuxième coup de froid. Et impossible de continuer à s’autoriser d’ignorer quoi que ce soit.
Mardi. On nous annonce qu’il y a un cas dans le bâtiment à côté du notre. L’ennemi se rapproche. Les mails de précautions des studios de yoga ou salles de sport commencent à circuler. Mercredi, ma coloc nous avertit qu’il y a plusieurs patients dans son hôpital. Les gens qui “n’avaient pas peur” commence à changer d’attitude. (Et ça, ça fait encore plus peur!) Jeudi soir, Macron ferme les écoles et annonce la mise en quarantaine de la France.
Vendredi soir. Vol Gatwick > Toulouse.
En vue de ce retour chez mes parents, j’ai beaucoup hésité à rentrer, et passé la semaine à tout ralentir pour éviter d’attraper quoi que ce soit, et idée terrifiante: Les contaminer! Ce n’est pas si simple de tout stopper quand rien ne ralentit autour en fait. Comme si nous étions des aimants sociaux. Et que le besoin d’être ensemble anesthésiait complètement notre cerveau de bons raisonnements pragmatiques.
Dans ma valise, j’ai pris mon ordi du boulot, et deux fringues de plus, “au cas où” . J’appréhendais un peu le passage par l’aéroport. Ce n’était finalement pas calme au point de croire à la fin du monde. Mais suffisamment calme pour ne pas se sentir en danger. Comme un mardi en milieu de matinée disons. Surement pas un vendredi soir. Bizarre. Mais pas si effrayant.
Samedi soir, nous nous sommes demandés 100 fois si c’était bien raisonnable d’aller à cet anniversaire. Et l’appel social “une dernière fois” (sans vraiment savoir que ce serait vraiment la dernière fois!) a pris le dessus. C’était prévu. C’était important. Et c’était maintenu. En rentrant tout juste de Londres où tout fonctionnait encore de façon relativement normale, ce n’était pas si choquant. Avec le recul, c’était un choix vraiment délicat. Atmosphère étrange. La peur de parler à quelqu’un. Se demander toutes les 5 minutes si on est pas en train de se refiler un mauvais “truc” qui peut faire du mal à nos familles, leurs familles, nos amis, les leur. Comme si chaque parole adressée d’un peu trop près pouvait être un tir sorti d’une arme invisible. Les gens qui s’embrassent et se prennent dans les bras alors qu’on nous demande de ne plus nous faire la bise. Ceux qui continuent comme si de rien n’étaient. Et ceux qui continuent de dire que “Ya pas beaucoup de cas“. On ne peut même pas en vouloir à qui que ce soit. C’est tellement normal d’avoir peur ou de se voiler la face. Tout de même une soirée riche en beaux échanges et moments en famille. En discutant dans la semaine, on se rend compte que nous étions nombreux à ne peut-être pas mesurer. Pas de regret, mais leçon comprise.
Le lendemain, début du vrai confinement, ensuite officiellement annoncé.
J’étais en France, chez mes parents donc. On a la chance d’avoir une grande maison, un grand jardin à la campagne. Plusieurs salles de bains. Facile de garder la distance. C’est le lieu où j’ai le réflexe de venir me réfugier et respirer depuis toujours: Quand j’ai fini mes études. Pendant toutes les vacances d’été, après des ruptures, pour célébrer mes 30 ans, quand ma boîte a coulé du jour au lendemain il y a quelques années, juste pour le plaisir d’un week-end au soleil de temps en temps, avant de venir m’installer à Londres, pour dire au revoir à mon papi, ma tatie. C’est la maison. Il n’y a rien de particulièrement luxueux mais c’est une vie simple et saine. Pleine de bonnes valeurs et générosité. Comme mes parents le sont. Et pour la première fois, j’y suffoque un peu. J’ai la chance folle d’avoir un grand espace, un jardin, quelques degrés de plus (critères déterminants dans le choix final bien sûr) et de pouvoir travailler à distance. Mais j’ai aussi tout laissé sans l’avoir vraiment préparé. En tout cas pas pour des semaines ou peut-être des mois.
C’était ça ou rentrer dans une maison certes spacieuse mais en confinement partagée, et qui a normalement son équilibre sur des rythmes londoniens (= occupés) des uns et des autres. Dont une infirmière pour qui avoir un peu plus d’espace ne sera pas un luxe ces temps-ci. Et de façon très honnête, je le dis aussi, peut ramener le virus à la maison.
Je le précise aussi parce que je parle avec beaucoup d’entre vous sur Instagram (Le côté très sympa du confinement!), et c’est aussi la réalité derrière les jolis (Mais pas trop nombreuses non plus) photos de jardin. Un choix pas du tout simple à faire. Comme pour personne.
La première semaine
Lundi dernier, il y avait une forme d’euphorie dans l’air. L’air digital du coup. Les premiers cafés online avec les copines, les blagues qui sortent sur le net et les réseaux sociaux. Tous les cours de sport qui se mettent en ligne. Les réunions par écran au boulot. Comme si on découvrait un nouveau truc tous ensemble. Avec des formes d’espoir et de bonne volonté. Être dans la galère en même temps. Se comprendre. S’entraider. Ça avait quelque chose d’assez salvateur.
Je me suis dis que j’allais en profiter pour faire beaucoup de yoga, donner des cours de yoga en ligne. Avancer sur le blog. Faire toutes les choses que je n’avais jamais le temps de faire. Lire. Méditer. Bien travailler pour prouver que c’était ok de bosser à distance (Certains sont encore dur à convaincre même en 2020, dans une industrie digitale à Londres..), penser à ce qu’il faudrait faire pour l’après.
Et puis assez vite, certaines réalités et priorités ont pris le dessus: Les chiffres qui tombent chaque jour. Voir que tous les cafés et salles de sport, studios de yoga ferment les uns après les autres à Londres. Mes cours de yoga qui s’arrêtent officiellement. Beaucoup moins de gens qui viennent sur le blog. L’industrie du tourisme paralysée. Tout comme celui de l’hospitalité. Tant de gens affectés. Le Royaume Uni qui ne fait rien. Un de mes chefs qui n’est pas ravi que je sois restée en France. Des cas (pas graves) dans ma famille, mes amis. Aller faire des courses et trouver les rues désertes, l’immense supermarché vide. L’inquiétude non pas pour les semaines mais les mois à venir. Les impacts sur les gens, les salaires, les vies de ceux qui sont déjà démunis. Ceux qui sont en confinement dans des situations difficiles. Ce qui va se passer après. Comment s’y préparer. Qu’anticiper? Ou essayer de vivre au jour le jour? Mais est ce bien raisonnable dans une situation pareille?
Et à côté de ça, tous les gestes et initiatives incroyables et toutes les petites joies de la semaine. Les gouvernements qui se mobilisent et sortent les gros moyens. Les comptes Instagram drôles et légers qui nous font tant de bien. Les messages et appels journaliers des copains. De la famille. Appeler mon frère tous les jours. Savoir qu’il va bien. Discuter de tout et de rien. De la vie. Retrouver l’essence même de l’amitié et de l’amour. Prendre de vraies nouvelles. Voir que la planète respire un peu plus. Me sentir assez rassurée de vivre cela dans mon pays. Chez moi. Avec mes parents. Faire le plein de trucs Français. M’autoriser à manger ce que je veux. Apprécier un petit verre de vin de temps en temps. Se recréer une routine, continuer de me préparer pour aller travailler le matin. Trouver de nouvelles habitudes et petites plaisirs. Sortir de ma zone de confort en filmant des cours de yoga. Être tellement reconnaissante d’avoir le yoga dans ma vie. Et une chouette communauté sur Instagram. Sortir un peu plus de ma coquille et oser échanger et discuter avec tout le monde. Avoir ce blog sur lequel je peux poser ces longues lignes et exorciser, partager, échanger…
Chaque jour, c’est un peu comme si on essayait de construire désespérément un chateau de carte et qu’un coup de vent y passait. Alors on le reconstruit sans relâchement. Parce que c’est important. Ça nous permet de continuer à respirer, à y croire, rester positifs et concentrés.
Semaine 1 – Bilan
Cette première semaine est passé assez vite. Mais c’est comme si elle avait duré 1 mois. Vous aussi? Je la termine avec pas mal d’inquiétudes, mais aussi beaucoup d’espoir. Londres me manque, c’est un peu perturbant d’être loin de chez moi. Prête mais incapable de ré-attaquer s’il le fallait. Même si je sais la chance que j’ai d’être là où je suis. Avec de l’espace. Sans enfant à gérer. Un salaire qui va tomber ce mois-ci. Je ne peux pas m’empêcher de penser au contexte économique global, m’inquiéter pour la survie de ma boite et de plein d’autres à moyen terme. Que va t-il rester de tout cela par la suite, quand tout repart et que nous avons tous été abîmé chacun à notre façon? Le tourisme va t-il vraiment repartir? L’économie? Les emplois? Comment s’y préparer au mieux? Anticiper? Je pense aussi à la force et au courage de nos services de santé. Les histoires trop tristes qu’on entend de ceux qui partent seul. Vieux et jeunes.
Et puis il y a aussi cette énorme envie de croire que tout va repartir de plus belle. Que l’on va TELLEMENT avoir envie d’en profiter! Que l’on va savourer chaque occasion de bruncher à Londres. Toutes les balades londoniennes. Chaque week-end au soleil. Chaque week-end à Londres ;) Chaque petit moment de la vie. Les moindres “petites joies”. Peut-être aussi enfin revoir les notions de succès une bonne fois pour toutes. Arrêter d’en parler et vraiment les changer. Se satisfaire de moins. Apprécier plus. Passer du temps en famille. Entre amis. Arrêter de tout vouloir sans vraiment savoir pourquoi. Faire preuve de plus d’empathie. Être plus à l’écoute de soi-même et des autres. Prendre soin de soit et des autres. Arrêter de se comparer, faire de notre mieux. Laisser le “FOMO” de côté (“Fear Of Missing Out”, cette peur de ne pas pouvoir faire comme les autres).
Aussi flippant cela soit-il, et tant que la santé de personne de ma famille ou de la votre n’est en danger, j’aime aussi l’idée de vivre loin de toutes superficialité sociales et prendre le temps de se poser les bonnes questions et voir la vie autrement. D’une sorte d’introspection assez violente mais forcée et indispensable, à laquelle nous allons tous être confrontés. C’est dans les expériences les plus difficiles que ressortent les choses les plus belles. Ne l’oublions pas.
Bon courage à tous, et surement à la semaine prochaine pour un prochain bilan. Ou avant pour d’autre contenu sur le blog et les réseaux sociaux.
PS: Si vous voulez partager votre expérience ou être en contact, vous pouvez laisser un commentaire sous cet article, m’écrire par mail lespetitesjoiesdelondres@gmail.con ou rester en contact via Instagram: @Elodie_London 💕
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